Jonathan Cave
À l’âge de 18 ans, j’ai commencé à grimper un arbre – « l’arbre » de ma carrière. J’ai appris à sauter de branche en branche de façon logique ; d’abord la faculté de droit, ensuite avocat, puis associé, et bientôt associé sénior. Le sommet de mon arbre était en vue.
Chaque branche avait apporté sa version du « succès » : argent, reconnaissance, responsabilité. Ce que personne ne réalisait cependant, c’est que mon succès extérieur ne s’était pas traduit par un sentiment « intérieur » de bonheur et d’épanouissement. La réalité était tout autre : une vie basée sur la pression et le stress ; une difficulté à être vraiment présent avec ma famille ; un compromis au quotidien de qui j’étais réellement versus la personne que l’on attendait que je sois ; et la liste continue.
À 40 ans, il s’est passé quelque chose qui allait changer ma vie. C’est venu sous la forme d’une petite voix intérieure qui s’est réveillée d’un long sommeil. Un simple murmure au début, cette voix m’invitait à faire une pause et à me concentrer sur la vue autour de moi. Donc, au lieu de lever les yeux vers la branche suivante comme je l’avais toujours fait, j’ai regardé vers l’extérieur et j’ai écouté.
La première chose qui m’a frappé, c’est que mon arbre était l’un de millions d’arbres dans une immense forêt, chacun appartenant à quelqu’un. Il y avait ceux comme moi qui semblaient pressés d’atteindre le sommet. D’autres semblaient satisfaits, assis sur une branche, à profiter de la vue.
La deuxième chose que j’ai remarquée était une grande « forme » au-delà de la forêt – après quelques secondes, cela s’est révélé comme le contour d’une magnifique montagne au loin. Même d’ici, je sentais l’énergie, la puissance et la majesté de cette montagne. L’effet était immédiat et surprenant, comme si la montagne me parlait dans une langue que seul je comprenais.
J’ai été tout d’un coup submergé par une grande envie de descendre de mon arbre et de me diriger vers cette montagne. J’ai regardé vers le bas pour la toute première fois de ma vie, et des images des vingt-deux ans de grimpe ont défilé devant mes yeux.
J’étais bombardé de « bruits de tête » avec tous les différents « MOI » qui parlaient en même temps, se bousculant pour attirer mon attention : « tu as travaillé si dur pour ça » ; « tu as une sécurité, un confort, un chemin clair devant toi… » ; « mais il y avait aussi » : « tu n’es pas heureux » …
Mon niveau d’énergie a chuté comme une pierre. Je n’ai pas bougé, regardant toujours vers le sol de la forêt, totalement hypnotisé et confus. Est-ce la liberté que je ressens ou est-ce quelque chose d’autre pour lequel je n’avais pas encore de mots ?
J’avais besoin de me calmer et de réfléchir, alors j’ai fermé les yeux. La petite voix murmura : « respire … respire » . J’ai senti mon cœur ralentir sa course, un battement de tambour régulier, résonnant à travers mon corps. J’ai ouvert les yeux, incliné ma tête, et j’ai regardé vers le sommet de mon arbre – et pause. J’ai ensuite laissé tomber ma tête, serrant mon menton contre ma poitrine, et je me suis arrêté à nouveau, en regardant vers le sol – pause. Après quelques secondes, j’ai levé la tête vers l’horizon, permettant à mon regard de s’étendre au-delà de la limite des arbres jusqu’à la montagne – et je me suis arrêté une fois de plus…
Le battement du tambour s’intensifia, son écho pulsant dans mes veines, éclipsant tous les autres sons. À ce moment-là, je savais ! Je savais ! Un grand sourire s’est déployé sur mon visage, mes yeux brillaient et un sentiment de de raison d’être et de connexion profonde m’a submergé.
Avec une certitude inexplicable et mon énergie au top, mon corps a commencé à descendre mon arbre. Après avoir posé le pied sur le sol mou, je suis parti vers le nord, galopant comme un jeune cerf qui découvre son domaine pour la toute première fois.
C’était comme si j’allais rencontrer un vieil ami qui me connaissait mieux que quiconque, qui me comprenait, qui savait ce que je ressentais. Et puis ça m’a frappé ! La montagne que j’avais vue au loin, la montagne vers laquelle j’allais… c’était MOI ! Le moi qui ne faisait pas semblant, le moi qui n’avait pas besoin de vivre dans le stress ; le vrai et authentique moi dont la vraie voix n’avait pas encore été entendue. J’étais la montagne et j’allais vers elle, vers moi-même !
J’avais atteint le moment de ma vie où je pouvais découvrir qui j’étais – mes valeurs, mes talents, mes aspirations ; ce que je voulais recevoir le plus de la vie et ce que j’étais prêt à redonner. J’ai senti que si je prenais le temps de répondre à ces questions, je me re-connecterais à mon « moi » inspiré et sans peur.
J’ai couru à travers la forêt sans relâche, me sentant léger et libre, et peu de temps après, je suis entré dans une clairière et la montagne était là – à mes pieds. Je me suis arrêté instinctivement pour contempler son ampleur et sa beauté. Je me voyais déjà en train de monter ses collines, de suivre ses ruisseaux, d’explorer ses cavernes et de découvrir ses secrets.
« Une nouvelle ascension », me suis-je dit, tout en souriant à cette ironie du destin. Cette fois-ci par contre, tout tournait autour du voyage lui-même, pas de la destination… avec juste une série de moments, et d’expériences à découvrir et à savourer à partir d’un lieu de curiosité et de connexion.
Après une dernière respiration profonde, j’ai mis un pied sur la montagne et je suis parti…
Bienvenue à la montagne. Bienvenue à VOTRE montagne.
« L’Arbre et La Montagne » de Jonathan Cave devrait sortir prochainement. Abonnez-vous à notre newsletter pour en savoir plus.
Après une dernière respiration profonde, j’ai mis un pied sur la montagne et je suis parti…
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